Jean-Bernard Vuillème, Pléthore ressuscité, Ed. de la Nouvelle Revue neuchâteloise.
Par André Wyss, président du jury.
Monsieur le Président,
Merci de vos paroles, merci au Cercle littéraire de nous accueillir une fois de plus. Il y a deux ans, j’ai eu le plaisir d’annoncer que le jury du Prix Dentan pourrait continuer à danser la capucine grâce à une manne tombée à point nommé et dont le ciel s’appelait la Fondation Coromandel. Sa confiance nous ayant été renouvelée, nous nous retrouverons encore pendant quelques années, si vous le voulez bien, sous les volutes et devant les trumeaux de vos élégants salons.
Chère Madame Dentan et famille, Mesdames et Messieurs, mes chers collègues du jury, chers amis,
J’ouvre tout de suite les guillemets : « Pléthore est un personnage créé par Jean-Bernard Vuillème il y a près de trente ans. Il est apparu dans un recueil de nouvelles intitulé Pléthore en 1982, puis dans un roman, Le règne de Pléthore, en 1983. Puis il a disparu. L’auteur l’a laissé tomber. Près de trente ans plus tard, il ressuscite Pléthore : est-il possible de ressusciter un personnage oublié de tous ? » Je ferme les guillemets sur cette question métaphysique que se pose le Zénon d’Elée et de service dans l’Avertissement qui précède Pléthore ressuscité, le livre étant en somme la réponse à cette question, réponse donc que l’auteur donne en écrivant. Bravo ! Et je vais m’associer à lui pour continuer de répondre, afin qu’une fois de plus, le critique et l’auteur se donnent la main.
Monsieur,
En 1921, vous le savez, Pirandello invente six personnages en quête d’auteur ; en 1968, Raymond Queneau invente l’auteur en quête d’un personnage : Icare, que le romancier Hubert Lubert vient de créer s’est, après quelques pages, volatilisé, il a été emporté par un courant d’air, il s’est envolé – c’est le vol d’Icare, vous voyez à quel jeu le romancier joue ici – et le personnage, retrouvé, se fait séquestrer – c’est le vol d’Icare, vous voyez à quel jeu le romancier joue, et Icare retombe pour finir dans le livre, c’est la chute d’Icare, vous voyez … ce que je veux dire. Le vol d’Icare, c’est aussi le vol de l’idée de Pirandello par Queneau, et cela dans un jeu d’intertextualité ludique : « Je me présente : Hubert Lubert, romancier de profession, de vocation même et j’ajouterai d’un certain renom. Etant romancier, j’écris donc des romans. Ecrivant des romans, j’ai affaire à des personnages. Or voici que l’un d’eux vient de s’éclipser. Textuellement. Un roman que je venais de commencer, une dizaine de pages environ, quinze au plus, et dans lequel je mettais les plus grands espoirs, et voilà que le personnage principal, à peine esquissé, disparaît. Comme je ne puis évidemment continuer sans lui, je viens vous demander de le retrouver. / Le détective : Voilà qui est bien pirandellien. / Pirandellien ? / Un adjectif dérivé de Pirandello. C’est vrai, vous ne pouvez pas comprendre. » Et pour cause : le roman se joue à la fin du dix-neuvième siècle ! Mais, bon prophète, le romancier Hubert Lubert écrit à la fin ceci : « Peut-être un jour en sera-t-il ainsi pour tous. Nous n’aurons plus de personnages. Nous deviendrons des auteurs en quête de personnages. »
Avant de jouer ainsi avec Pirandello, Queneau avait d’autres partenaires en tête : son romancier devait s’appeler Gustave de Laubert, et il y avait un personnage qui se nommait M. Bouvardetpécuchet. C’est un peu long, comme nom, surtout pour un être sans existence. Il y a pléthore, en somme. Comme chez vous, Monsieur, où il y a beaucoup d’intertextualité, parce que votre personnage vient après ceux de Pirandello et de Queneau, mais aussi parce que votre personnage a été doté d’une vie littéraire antérieure, le premier personnage que vous avez inventé ayant reçu de vous, par une sorte d’antono-mase, cet étrange nom grec et médical, Pléthore, et il devait par ce nom, peut-être, manifester une surabondance d’humeurs et déborder de potentialités de toutes sortes.
Il y a quelques autres potentialités de rapports entre le livre de Queneau et le vôtre, Monsieur, et si je commence l’éloge qui vous est dû par une évocation de ce livre, c’est bien parce que le vôtre est comme celui de votre prédécesseur jeu et littérature. Icare échappé du livre rencontre Hélène et en est aimé, comme votre Pléthore rencontre Irène et en est aimé ; ce roman de Queneau est tout aussi bien une pièce de théâtre déguisée, et votre Pléthore a été mis sur la scène, et à l’occasion de cette mise en scène, une quidam l’a vu, en a été toute conquise, est devenue à la suite de cette expérience, captive du théâtre, et se retrouve, vingt-cinq ans plus tard, transportée du théâtre au roman, et de la vie réelle à la vie fictive pour finir au bras et dans les bras de Pléthore – c’est du moins ce que raconte Pléthore ressuscité, mais on n’est pas obligé de le croire. L’Hubert Lubert de Queneau (notez le nom pléthorique et un peu calembourique de ce romancier), l’Hubert Lubert de Queneau perd son personnage après quelques pages seulement ; vous, Monsieur, à peine avez-vous ressuscité Pléthore que vous pensez le laisser là, par absence définitive pour cause d’infarctus. De sorte que si le Vol d’Icare est le dernier roman de Queneau, Pléthore ressuscité eût pu être le dernier de Jean-Bernard Vuillème : il fût alors resté inachevé parce que vous, Monsieur, vous eussiez achevé prématurément votre parcours. Mais les dieux et la Faculté ne l’ont pas voulu ainsi ; on vous a donc fait revenir du noir pays d’Infarctus – comme vous dites – afin que vous puissiez finir de ressusciter Pléthore, et vous, tout à fait, du même coup, pensé-je.
Oui, l’intertextualité dont je parlais, très ludique en soi et plus ludique par le fait d’une connivence sans précédent entre l’auteur et sa créature, l’intertextualité a de plus chez vous la consistance que donne l’expérience de la mort, ou plus exactement du frôlement de son aile. Avec Pléthore ressuscité, vous nous donnez, par le fait d’un auteur lui aussi en quelque sorte ressuscité, la matière à une réflexion qui devait être sans doute, en son départ, purement littéraire, mais qui prend une dimension très profonde, par le fait qu’elle est très grave, qu’elle vous concerne le plus qu’il est possible et qu’elle concerne par là votre hypocrite lecteur, votre semblable, votre frère.
A vous lire bien sincèrement, on découvre cependant que la profondeur de cette réflexion est tout à fait tributaire de son caractère littéraire, pour une raison très générale d’abord, et c’est que quand la littérature est digne de notre attention, ce qu’elle réfléchit a un retentissement très fort sur tout ce qu’elle fait vibrer : en nous, autour de nous – et pour une raison plus particulière, qui est relative à la nature même de la construction de votre livre, et sur quoi je voudrais méditer quelques instants
L’homme a sans doute eu dès ses origines un besoin irrépressible de se raconter des histoires, de se raconter par des histoires, d’où l’invention de la fiction, qui le sort de son réel tout en l’y reliant de façon étroite. Si étroite d’ailleurs qu’il n’y a pas de fiction que l’on ne dise vraie d’une façon ou d’une autre. Mais pour nous autres, théoriciens plus ou moins patentés de la littérature le personnage s’oppose radicalement à la personne – car comme l’a noté Margaret Marshal, en créant un personnage, l’auteur n’accroît pas pour autant la population mondiale – le personnage reste sans réalité autre que dans l’esprit de l’auteur ou du lecteur, il ne connaît que par façon de dire la douleur du panaris ou le poids de la concupiscence. En même temps, le personnage trouve toujours à s’émanciper, à sortir de la page pour devenir vivant, à s’emparer de son destin, et le romancier dira volontiers que son personnage a vécu sa vie propre bien autrement qu’il l’eût, lui, l’auteur, souhaité. Lisons Pirandello :
On ne donne pas en vain la vie à un personnage. Créatures de mon esprit, ces six personnages vivaient déjà d’une vie qui leur était propre et qui n’était plus la mienne, d’une vie qu’il n’était plus en mon pouvoir de leur refuser. C’est si vrai que, comme je persistais dans ma volonté de les chasser de mon esprit, eux, déjà entièrement détachés de tout support narratif, personnages d’un roman sortis par miracle des pages du livre qui les contenait, ils continuaient de vivre pour leur propre compte.
Cette vie à la fois impensable et si fortement postulée, elle a trouvé comme chacun sait son mythe avec Pygmalion et sa Galatée, si belle dans le marbre que l’artiste en tombe amoureux, obtenant de Vénus qu’elle lui donne chair et sang. Il me semble que ce mythe dit plus que toute autre chose l’espoir de ne jamais résoudre le mystère de toute création, de toute fiction, ce mythe dit que l’art et la vie cheminent toujours de conserve, mais alors sans fin et sans que jamais l’on sache où se trouve la limite. De Galatée à Pinocchio qui échappe à son papa Geppetto et du même coup à son géniteur Collodi (à moins qu’ils ne s’agisse de son géniteur Geppetto et de son papa Collodi), de Galatée à Tintin saluant chaque semaine les lecteurs du journal qui portait son nom, de Galatée au célébrissime chat faisant des remontrances au dessinateur Geluck, on énumérerait sans doute des centaines de modulations sous lesquelles ce mythe reste vivant.
Certes, cette situation de mi-chemin entre réalité et fiction est difficile à rendre crédible au lecteur critique, car la logique cartésienne du lecteur théoricien l’empêche de se situer à la fois dans la fiction et dans la réalité, c’est-à-dire à la fois dans deux mondes qu’il estime, le lecteur poéticien, totalement imperméables l’un à l’autre. A moins de les considérer comme spirituellement interchangeables, dans la mesure où, par exemple, c’est la réalité qui sert de modèle à la fiction, et où, plus souvent, c’est la fiction qui donne du sens à la réalité.
Dans votre Pléthore ressuscité, vous avez su, Monsieur, revisiter de fond en comble cette problématique, en mêlant non seulement le niveau de la fiction et celui de la réalité, mais en troublant de façon conséquente les rôles de l’auteur et du personnage. Vous ne vous contentez pas de proclamer « Pléthore, c’est moi », vous nous le prouvez : quand l’auteur a son infarctus, Pléthore a très mal à la poitrine, et quand l’auteur manque mourir, c’est Pléthore qui se fait sur la mort des réflexions profondes, et plus que philosophiques : vécues, et c’est par là que le livre prend sa gravité. En tous les cas, lorsque l’heure est grave, la symbiose est complète :
Alors que je ressuscitais – raconte Pléthore – mon cœur soudain s’est mis à hurler, un cri prolongé, puissant, atrocement douloureux. A se fendre. A se casser. A se brûler. J’ai vu mon auteur se tenir la poitrine et appeler à l’aide. La douleur de son cœur est passée dans le mien, puis je m’en suis senti exclu, quel soulagement, et puis quel vide ! quel vide ! quelle impuissance ! » « il est en train de mourir, et moi, que vais-je devenir ? Un personnage a-t-il la moindre chance de survivre à son auteur ? […] Au même moment, je me sens moi-même mourir dans sa conscience qui s’éteint, il m’a ressuscité pour me faire goûter à sa propre mort. // Il y a là un instant que je voudrais tenter de dire. [c’est toujours Pléthore qui parle – vraiment ?] Lorsque la porte s’entrouvre sur la mort, c’est noir, mais pas aussi sombre qu’on pourrait l’imaginer, l’esprit s’apaise, s’endort peut-être, je dirais qu’il se glisse dans un ailleurs tandis qu’une profonde caresse s’exerce sur les tempes du mourant. Un sentiment d’apesanteur s’installe, rien de grave, monsieur l’écrivain s’endort.
Ce personnage qui a pleinement conscience d’être un personnage, c’est-à-dire une créature d’auteur, ce personnage qui se sent mourir dans la conscience de son auteur, et plus encore ce personnage qui voudrait tenter de dire quelque chose de profond, de littéraire – il y a comme une confusion des rôles, un parasitage des discours l’un par l’autre, un échange des fonctions premières.
Votre éditeur a donc beau jeu de noter dans l’Avertissement de Pléthore ressuscité que ce livre est, en même temps qu’une fiction, une poétique du personnage de roman. Je préférerais pourtant considérer que votre livre est un roman, que vous en êtes certes l’auteur qui s’y livre à des réflexions, mais que vous y êtes surtout l’auteur en tant qu’il est un personnage. Vous êtes dans ce livre, et celui qui pense à la littérature romanesque, dans ce livre, ce n’est pas Jean-Bernard Vuillème ici présent, c’est « mon auteur », l’auteur auquel Pléthore s’adresse et en même temps celui d’une fiction plus vraie que la réalité, d’une fiction par conséquent dont Pléthore n’est pas tant qu’il le croit le héros.
Certes, la voix de votre porte-parole demande quelque part …
Un auteur peut-il devenir un personnage de son propre livre et en demeurer l’auteur ? Ces questions ont leur importance.
… et certes, Pléthore constate à un certain moment :
Je me sens étrangement proche des gens et en même temps dans un état d’incommunicabilité incompatible avec le roman dont je devrais être le personnage principal, rien de plus et rien de moins, celui par qui l’histoire arrive, quelle qu’elle soit, pourvu qu’il se passe enfin quelque chose. Mais je crains que mon auteur m’ait ressuscité pour conclure à l’impossibilité du roman, à ce moment précis, et je ne serais que la preuve vivante de la mort du roman dans l’esprit de mon auteur, à mon cœur défendant, malgré mon appétit de vivre encore.
… de sorte qu’en effet tout cela sonne comme une réflexion sur le rapport que la fiction entretient avec la réalité dans le monde même de la fiction. Et cela peut bien s’appeler « poétique du personnage de roman », car il y est bien question du statut du personnage – est-il autre chose qu’un être de papier ?, il y est bien question des fonctions réciproques entre la créature et son créateur. Mais cela se passe à l’intérieur de la fiction : le mode selon lequel vous avez choisi de procéder dans la narration fait qu’il y a ici, bien plus qu’une réflexion sur le personnage de roman, une présence poétique du personnage de roman. Ce qu’il y a peut-être de plus vrai, et partant de plus touchant dans Pléthore ressuscité, c’est une autonomisation ambiguë du personnage, c’est le fait que le personnage se sente toujours dépendant de l’auteur, pense et s’adresse à lui, refuse comme une trop grande responsabilité la liberté qui lui serait donnée, comme une invivable fragilité la vie qui lui est insufflée, et c’est l’autorité non vraiment assumée d’un auteur qui veut être à la fois montreur et marionnette, père et pair – entendez pater et paris – de son personnage.
Cela m’apprendra, me disais-je, cela m’apprendra à entrer dans le livre que je suis en train d’écrire [c’est l’auteur qui parle !]. Il m’en veut à mort, constatai-je, mais en même temps il vient d’accomplir un geste dont il se croyait incapable, qui n’avait même jamais effleuré son esprit, Pléthore avait accompli un pas de géant dans la conquête de sa liberté.
Je sens [c’est maintenant Pléthore qui parle] je sens que ce moment approche, un moment franchement extraordinaire dans la littérature, l’instant où un personnage est devenu son propre auteur. La mort de l’auteur, autrement dit, infarctus ou pas, que mon auteur me pardonne. La littérature va-t-elle au cœur ? Telle est la question.
Cette question, c’est Pléthore, on a bien compris, qui la pose ! La question, contextualisée, surgissant de la fiction et de ce jeu ambigu entre le personnage et l’auteur, la question n’a plus rien de théorique, elle est elle-même au cœur.
D’ailleurs, je suis un personnage intestin, [dit toujours Pléthore] un ressuscité sans vie propre, je ne suis que la voie d’évacuation des pensées de mon auteur.
En effet le personnage est relié à « mon auteur » par un pédoncule invisible mais nourricier, truchement d’échanges en profondeur. D’échanges, oui, et cela se passe vraiment dans les deux sens.
Et maintenant, tout juste revenu à la vie, je dois d’urgence trouver une réponse à la question de savoir pourquoi mon personnage ressuscité va se trouver en retard. […] Mais la question est-elle plus simple pour moi, l’auteur revenu à la vie ? Ai-je donc un rendez-vous urgent ? Devrais-je plutôt me reposer en prévision des efforts qu’il me faudra consentir pour repartir dans la vie avec ce cœur affaibli ? Où aller ? Où ne plus aller ? M’occuper de cet imbécile sorti du tombeau alors que j’étais près sans le savoir d’y entrer moi-même, n’est-ce pas une manière de forcer la vie à continuer, coûte que coûte, de trouver le fil sur lequel tirer pour que la vie se déroule tant bien que mal ?
« Avoir un rendez-vous urgent », ce n’est certes pas la même affaire selon qu’on est personnage ou personne ; « Forcer la vie à continuer », c’est l’espoir de tout un chacun, « trouver le fil sur lequel tirer », c’est ici pure démarche d’écrivain. Dans votre modèle, Monsieur, ce modèle que vous développez à la fois sous l’angle de la réalité qui a été la vôtre quand vous avez failli mourir, et sous l’angle de la fiction que vous aviez en train quand vous avez cru mourir, dans votre modèle, c’est bien ce mélange de préoccupations vitales et de souci d’auteur qui nous intrigue et qui nous pose des questions. En somme, cet infarctus aura été une chance pour vous et pour vos lecteurs : si vous n’aviez pas connu l’énorme commotion que vous racontez, qu’auriez-vous fait de ce Pléthore ? Un jeu d’osselets, peut-être, soumis tout à la fois au hasard et à la relativité, à l’arbitraire et aux contingences d’une humeur que vous dites sottement débordante. Au lieu qu’étant avec lui ressuscité, vous êtes avec lui revenu du pays d’Infarctus au pays du livre et vous jetez sur ce pays un regard plus perçant.
Mais tout cela, estimez-vous, reste tout de même de la littérature, et il ne faut pas s’illusionner sur ses pouvoirs ; la dernière phrase du livre est la formulation finalement très dégagée de l’auteur :
Un jour, si j’en ai le loisir, je me soucierai peut-être d’écrire une suite.
Voilà l’excipit de Pléthore ressuscité. Nous vous souhaitons, Monsieur l’auteur, et nous nous souhaitons que vous ayez ce loisir et ce souci.
Mesdames et Messieurs, avec le soutien du Cercle littéraire de Lausanne, du quotidien Le Temps et de la Fondation Coromandel, j’ai le plaisir de remettre à Jean-Bernard Vuillème, pour Pléthore ressuscité, le Prix Dentan 2009.